Depuis le début des affrontements entre les rebelles M23 et FARDC, l’armée loyaliste de la République Démocratique du Congo, on observe avec une certaine inquiétude l’amplification de la désinformation, des fakes news ainsi que de la propagation des discours de haine et de censure. C’est notamment sur les réseaux sociaux que la montée en puissance de ce phénomène est observée.
Si la vrai information sécurise, la fausse par ailleurs peut causer nombreux dégats, estime le journaliste Sammy Mupfuni, Directeur General de Congo-Check, un média de vérification des faits. ‘’ Dans certaines circonstances, on peut perdre la vie ou mettre sa vie en danger juste parce qu’on n’a pas accès à la vraie information ou simplement parce qu’on a cru en une fausse nouvelle ou à des rumeurs. ’’ indique-t’il tout en soulignant que le journaliste doit bien joué son role de responsabilité sociale.
Il est vrai que tout citoyen jouit de la liberté d’expression, mais il faut un bon sens et un discernement avant de publier. Il s’agit en effet, de mesurer d’abord le niveau du risque qui peut provenir de la diffusion des contenus dont on a pas la maitrise. Avec les réseaux sociaux, toute personne utilisant un smartphone devient acteur en faisant circuler des informations. Quand ces dernières sont fausses, elles peuvent attiser la haine et causer beaucoup d’effets négatifs surtout dans un contexte de guerre comme celui de la province du Nord Kivu.
Des fausses informations pour créer la peur et la haine
Urbain Magayane, jeune de la ville de Goma a peur d’aller à Gisenyi au Rwanda. ‘’ J’ai lu un message dans le groupe disant que toute personne de sexe masculin de nationalité congolaise présent sur le sol Rwandais est kidnappée et est enrôlée de force pour combattre aux côtés des rebelles du M23 dans le Rutshuru. Je n’ai jamais aspirer d’intégrer l’armée ni me retrouver au front. Alors je décider que je ne poserai plus mes pieds aux Rwanda jusqu’à ce que cette guerre prenne fin. » déclare-t’il.
Cette situation de psychose généralisée est surtout due à ce climat de désinformation et des rumeurs qu’alimentent les fake news qui circulent sur les réseaux sociaux et parmi les internautes, mais surtout la censure qui est pratiquer par les autorités de deux états limitrophes vis-à-vis de la situation de tension qui règne entre les deux nations.
Sous Etat de siège, sous état de sensure
Aujourd’hui, sous l’Etat de siège, nous observons avec une certaine inquiétude comment les médias et journalistes congolais seraient tenus à suivre une certaine ligne éditoriale favorable au gouvernement en place, sous peine d’être arrêtés pour avoir couvert médiatiquement la rébellion ou donné la parole à un leader qui se réclame de la rébellion armée.
Dans un communiqué officiel le ministère congolais de la communication a interdit formellement à tout journaliste de tendre son micro ou de couvrir toute manifestation affilies aux groupe rebelle du M23 sous peine de se voir rétiré son accréditation pour les journalistes ou sa licence en ce qui concerne les médias radiodiffusés ou en ligne et ainsi ne pouvoir plus exercer sur toute l’étendue de la république.
Cette censure limite la capacité des médias de jouer leur rôle de chien de garde des actions du pouvoir. En date du 1er novembre 2022, sept journalistes couvrant une manifestation pacifique contre l’agression des rebelles M23 dans la province du Nord-Kivu, ont été agressés, battus et blessés, arrêtés arbitrairement ; d’autres ont vu leur matériel détruit par les forces de l’ordre.
Rencontré, Moses SAWASAWA, l’un des journalistes aggréssés et correspondant photo de Associated Press temoigne :
« Tout se passait bien lors de la manifestation pacifique à Goma depuis le Rond-point KIHISI. Arrivé a l’INSTIGO, cette marche a tourné au vinaigre. Un commandant de la police a donné l’ordre aux policiers de ravir nos cameras et directement 4 policiers se sont jeté sur moi et je me suis retrouvé par terre. Ma caméra qui était sur mes épaules s’est brisée. Ils nous ont ensuite embarqué dans leur jeep et nous ont gardé en détention dans leurs locaux afin de nous interdire de couvrir la manifestation et nous ont relâché après. »
Cette situation devient de plus en plus courante au Nord-Kivu. Plus récemment, le 18 janvier 2023, les mouvements citoyens et groupes de pression ont appélé la population à oberver trois journées villes mortes pour exiger le départ des troupes militaires de la communauté de l’Afrique de l’Est (EAC). En pleine manifestation, trois journalistes ont été blessés et deux mis au cachot par la Police Nationale Congolaise (PNC). Leur péché : avoir couvert cette manifestation.
Liberté d’expression va avec respect de l’autre et des lois du pays
Même si la liberté d’expression est inscrite au fronton des textes juridiques nationaux et internationaux en vigueur en RDC comme valeur fondamentale d’une société démocratique et transparente, elle est un couteau à double tranchant. Le titulaire de ce droit doit ainsi l’utiliser avec intelligence afin de construire une société égalitaire, défendre la démocratie contre les tendances autocratiques des gouvernants et sensibiliser les citoyens sur leurs devoirs de défendre la démocratie, nous dit Dr Trésor MAKUNYA enseignant et chercheur en faculté de Droit de l’université de Goma.
« Les lois en général protègent toute personne contre les atteintes à son intégrité physique. La Constitution garantit la liberté d’expression, ce qui implique le libre accès à l’information. Le droit international dont la RDC a ratifié aborde aussi dans le même sens essentiellement le Pacte relatif aux droits civils et politiques (art 19) et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples »
Vivant dans une région des tensions, il faut une éducation à la modération des contenus en ligne et des voies et moyens pour lutter contre les discours incendiaires et autres contenus qui visent à contribuer au climat de psychose qui règne aujourd’hui dans la région orientale du Congo avant qu’il ne soit trop tard pour agir.